Origine du mot Sapeur pompier

Tout commence au début du 18e siècle, lorsque la mise en service de la pompe à Ijras requiert un personnel formé à sa manoeuvre. L’artisan qui la fabrique et en as­sure l’entretien portera longtemps le nom de «Pompier». Par ailleurs, l’extension des ag­glomérations multiplie les risques d’incendie il convient dès lors de structurer le service de lutte contre le feu. À Paris, en 1716, cette responsabilité est confiée à un particulier qui perçoit une subvention du Trésor royal pour rétribuer des « Gardes pompes », « Gardes pompiers », parfois « Gardes pompes du roi », pour acheter les pompes et interve­nir en cas d’incendie… Pourquoi « Gardes pompes » ?Tout simplement parce qu’ils gar­daient ces engins au sens large, en prenaient soin comme le garde champêtre gardait les champs, le garde-chasse le gibier… Jusqu’à la Révolution, un détachement de ces « Gardes pompes » assurait la sécurité du château de Versailles, venant même en renfort dans la ville en cas de sinistre im­portant. Bien que certaines villes dévelop­pent leurs propres appellations, le nom de «Garde pompier » et son abréviation cou­rante, » Pompier », se répandent à travers la France empressée d’imiter Paris.

De la Révolution à 1810

Durant cette période trouble, on observe des hésitations d’ordre statutaire et une certaine confusion sur la terminologie à adopter. Un décret de la Convention nationale du 9 ven­tôse an III (5 novembre 1792) porte organisa­tion et fixe la solde des «Pompiers de Paris», stipulant que, désormais, ils ne seront plus rétribués par le Trésor c’est la fin officielle du service privé des « Gardes pompes », Le 23 avril 1793, ils sont révoqués, de nouveaux chefs sont élus.

Le 17 messidor an IX, les Consuls de la République signent un arrêté fort de 32 ar­ticles, qui traite encore du Corps des Gardes pompes de Paris, bien que le texte lui-même comporte, ici ou là, « Gardes pompiers » ou « Pompiers », certains protégeant toujours les châteaux impériaux de Vincennes, de Saint-Cloud (qui a été «château consulaire»), de Bellevue, de Fontainebleau, de Compiègne et de Rambouillet. Sans entrer clans le dé­tail, on observe les mêmes atermoiements en province.

Mais il faut bien comprendre que ceci ne concerne que les « Pompiers » civils car, dans un ordre d’idée tout différent, l’impo­sant four-iniment impérial qui suit Napoléon dans ses déplacements fréquents est protégé par des «Pompiers » militaires, appartenant à la Garde impériale créée en 1804 et compo­sée de troupes de toutes les armes.

Le décret du 16 juillet 1810

Nous ne reviendrons pas sur l’incendie meurtrier de l’ambassade d’Autriche des 1er et 2 juillet 1810, lors de la célébration du mariage de l’empereur. Profondément mar­qué par cette catastrophe. Napoléon, une lois l’émotition passée, constate bien des erreurs, qui ne sont pas toutes imputables aux « Gardes pompes » comme cela se lit trop souvent.

Dès le 10 juillet, il signe à Rambouillet un / décret révoquant Le Doux «commandant , du corps des Pompiers », selon les termes ‘ qu’il emploie alors. D’après le commandant ( Henry Lachouque, l’empereur estimait que les palais impériaux n’étaient pas assez pro­tégés contre d’éventuels incendies et souhai­tait une amélioration. Emue Marco Saint-Hi-laire écrit d’ailleurs à ce sujet « Un incendie ayant pris accidentellement au palais de Saint-Cloud où dormait l’empereur amena ce dernier à organiser une garde de nuit dans toutes les résidences impériales, composée de Sapeurs du Génie, et appelée « Chambre de veille »… Une version confirmée par Eu­gène Fieffé. Le 16juillet 1810, un autre dé­cret, fort long et très détaillé, encore signé à Rambouillet, transforme cette «Chambre de veille». Napoléon décide de mettre en place, au 1er janvier 1811, une compagnie de Sapeurs qui fera partie de la Garde im­périale, sous les ordres du comman-‘dant du Génie, et chargée « du service des Pom­piers dans les palais et bâtiments impériaux de Paris, Saint-Cloud, Versailles, Meudon, Rambouillet, Compiègne, Fontainebleau, La Malmaison et autres résidences impériales suivant le cas ». Dès la formation de celle-ci, le ministre de la Guerre fait remplacer les «Gardes pompiers» de Paris encore affectés à Vincennes. Le décret prévoit pour ces Sa­peurs

« Une instruction théorique sur le service des pompes et les secours à porter en cas d’incendie » « l’uniforme des sapeurs de la Carde » « une formation à la consjruction et à la réparation des pompes ». Il précise également leur nombre et leurs agrès. Cette compagnie disposera, en plus des effectifs attachés à chaque palais, de « huit pompes garnies de leurs agrès et attelées chacune à deux chevaux » et, en outre, le Capitaine, un Lieutenant et deux sections de la compagnie avec quatre pompes attelées seront toujours de service clans le palais où résidera l’em­pereur ». En temps de guerre, le Capitaine, un Lieutenant, trois sections et six pompes attelées suivront le quartier général de Sa Majesté». Il s’agit donc de militaires, chargés d’accomplir une mission spécifique sous l’appellation de «Sapeurs-pompiers de la Carde impériale», choisis dans les bataillons de sapeurs de l’armée et auxquels Napo­léon a voulu témoigner sa satisfaction pour les services rendus. Le 17 septembre 1810, à Saint-Cloud, il désigne les officiers, parmi lesquels on relève le fils de Monsieur Mo­ral, l’ancien chef des « Gardes pompiers » de Paris révoqué en 1793. Mais les Sapeurs répugnent à manoeuvrer les pompes sous les ordres de l’instructeur Désaubliaux, car ce­lui-ci est étranger à l’armée. À tel point qu’il se voit contraint, le 3 août 1811, d’écrire au duc de Frioul, grand maréchal du Palais : Les Sous-officiers et soldats se refusent à cette instruction, la tournent en ironie et tiennent à cet égard les propos les plus gros-osiers et les plus indécents, le suis peu ou point secondé par le Capitaine, nullement par les sous-offi­ciers, encore moins par les soldats ». Napo­léon ordonne alors au duc de Feltre, minisire de la Guerre, de lui proposer trois nouveaux officiers ; ceux-ci seront nommés par un dé­cret du 14octobre.

Toujours des garde pompiers à Paris

Le 9 juin 1811, le fils de Napoléon est bap­tisé à Notre-Dame de Paris. Les « Sapeurs-pompiers de la Garde » prétendent assurer la sécurité du couple impérial qui sera reçu à l’hôtel de ville. Le baron Pasquier, préfet de police, a été informé par Désaubliaux que « sur ordre du grand maréchal du Palais, les sapeurs-pompiers de la Carde se transporte­ront le 9 juin à l’hôtel de ville pour y relever les postes des Pompiers de la ville pendant que Leurs Majestés y seront ». Pasquier s’em­presse d’écrire au duc de Frioul pour lui si­gnaler l’inconvenance d’une telle décision, ajoutant « je demanderai à Votre Excellence si les Pompiers de la Carde impériale occu­peront tous les postes du vaste hôtel de ville, si ils y seront dès le dimanche matin, s’ils y resteront jusqu’après le départ des invités, combien il y aura de Pompiers, quelles me­sures seront prises pour leur faire connaître à l’avance les dépôts où sont les réservoirs, les corridors ». Il propose, pour sauvegarder l’amour-propre de tous, une surveillance conjointe des lieux. La coexistence de deux formations distinctes, l’une militaire (des « Sapeurs-pompiers ») au seul service de l’empereur, l’autre civile (des « Pompiers » ou Gardes pompiers ») luttant contre le feu à Paris, est donc incontestable.

Le décret impérial de 1811 porte création du Bataillon de Sapeurs-pompiers.

Cependant, la future organisation du Service d’Incendie de Paris continue d’être étudiée, car le système en vigueur ne paraît pas sa­tisfaisant. Des discussions se poursuivent, le modèle des «Sapeurs-pompiers de la Garde» ne pouvant être ignoré. Finalement, le décret impérial n°971 du 18 septembre 1811, signé à Compiègne et publié au Bulletin des lois n »392, porte création et fait état pour la pre­mière fois d’un « Bataillon de Sapeurs-pom­piers » pour la ville de Paris.

Pourquoi « sapeurs » ?

Ce terme fait bien sûr référence à la forma­tion militaire, prisée dans une dictature mili­tariste. Les hommes portent d’ailleurs à peu de choses près la tenue du Génie.sont armés d’un fusil à baïonnette tout en conservant le sabre-briquet et sont commandes par des officiers de l’armée. Ils sont toutefois admi­nistrés par le préfet de police, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, au nom desquels ils assurent en outre des fonctions de sur­veillance et de police générale, ce qui s’avé­rera vite une source de conflits. La ville de Paris supporte les dépenses. Quand ce Bataillon, normalement fort de 142 hommes, est mis en place le 1er janvier 1812, on relève déjà l’absence d’un ouvrier, de neuf sergents, de trente-cinq caporaux, de quarante appointes et de quatre tambours. Face à ces difficultés de recrutement, il faut faire appel à nombre d’anciens « Gardes Pompiers », qui conservent ainsi leur travail. Notons qu’avant la chute de l’Empire, les sa­peurs-pompiers de Paris doivent reprendre du service dans les châteaux impériaux, les combats mobhlisant alors l’ensemble des effectifs de la Garde impériale. L’Empire ayant vécu, la protection contre le feu des palais est placée sous la responsabi­lité des « Sapeurs-pompiers Civils », et les « Sapeurs-pompiers de la Garde», dont l’ordre est supprimé le 6 août 1814, sont transférés vers le Génie.

Il convient donc de bien distinguer les « Sa­peurs-pompiers de la Garde » – des militaires des sapeurs-pompiers de Paris, qui ne seront militarisés qu’avec l’ordonnance royale du 7 novembre 1821. À notre connaissance, les seconds tirent leur nom des premiers, mais nullement du l’ait qu’ils auraient employé des pelles et des pioches pour « saper » comme cela se lit et se dit trop souvent…

à cet égard les propos les plus gros-osiers et les plus indécents, le suis peu ou point secondé par le Capitaine, nullement par les sous-offi­ciers, encore moins par les soldats ». Napo­léon ordonne alors au duc de Feltre, minisire de la Guerre, de lui proposer trois nouveaux officiers ; ceux-ci seront nommés par un dé­cret du 14octobre.

Documentations :

– Voir Napoléon et la Carde impériale, Bloud
&Cay,l957.

– Histoire anecdotique, politique et mili­taire de la Carde impériale, Éd. Eugène Pe­naud et Ce, 1847.

– Eugène Fieffé, Napoléon 1er et la Carde impériale, Éd. Fume et Fils, 1859

 Source : Le sapeur pompier magazine n »998. HISTORIQUE