Essonne. Entre violences, déconsidération, et retraites rediscutées, les pompiers saturent.

interview du Président de l’udsp 91 – P.Rauscher pour le Parisien

Agacés que la qualité de leur travail soit de jour en jour détériorée, les sept syndicats de pompiers appellent à un mouvement de grève national le mardi 15 octobre prochain.

Les pompiers sont à bout, et ils ont la ferme intention de le montrer lors de leur grand mouvement de débrayage national le 15 octobre prochain. S’ils sont malmenés par des violences insoutenables – quatre sévices ont été recensés la semaine passée – la belliqueuse agressivité témoignée par certains à leur encontre ne constitue pas, aujourd’hui, le seul fondement de leur grogne et de leur ras-le-bol généralisé.

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« Nous demandons prioritairement que les régimes de retraite qui sont actuellement rediscutés par le gouvernement n’impactent pas notre profession », déclare le commandant Patrick Rauscher, président de l’union départementale des sapeurs pompiers (UDSP) de l’Essonne. Avant de reprendre :

« Il est impératif dans un second temps que l’État s’engage à garantir des moyens humains et financiers nécessaires à l’exercice d’un service public de secours de proximité qualitatif ».

Une profession encore non reconnue « à risque » ?

Les pompiers de l’Essonne, particulièrement ébranlés lors des semaines écoulées, espèrent que le ministère de l’Intérieur sera en capacité de se positionner sur des engagements clairs et précis. Ces derniers attendent une réponse concrète sur leurs sollicitations concernant le transport d’urgence, désormais opéré par le Samu qu’à 5 %, et exigent qu’une réforme globale soit initiée.

« Nous ne sommes plus un service public qui travaille aux côtés du Samu, mais il s’agit plutôt d’un Samu qui exprime beaucoup de besoins à l’égard des sapeurs pompiers pour des interventions à caractère non urgent », explique le commandant Patrick Rauscher.

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Yohan Martin, de la CGT, complète : « Lorsqu’on nous a présenté la solution d’un nouveau protocole inter-services, appliqué ce lundi, nous avons été étonnés de découvrir qu’un acteur et partenaire manquait autour de la table, le Samu. A partir de ce moment-là, la volonté de fluidifier et faciliter les rapports entre services était déjà biaisée ».

Pour le syndicaliste, favoriser les déplacements de forces de l’ordre sur les interventions dangereuses alors même que la police atteste de carences en termes de moyens humains ne ressemble qu’à un effet d’annonce qui n’empêchera pas les pompiers de rester en première ligne en restant les premiers intervenants à arriver sur place.

« On ne considère pas notre métier comme dangereux, nous ne sommes pas catégorisés comme un métier à risque aux yeux de la réglementation. Or, on voit bien qu’il y a de la casse. Nous sommes déjà à 5 ou 6 décès en interventions depuis le début de l’année », s’indigne pour sa part le représentant de la CFE-CGC, Eric Dupuis.

La création d’un numéro unique ?

Une meilleure reconnaissance de leur engagement, notamment en temps de crise, voici l’une des notables expectatives des sapeurs pompiers à l’aune des menaces et des violences de plus en plus courantes qui les ciblent. Si des solutions sont actuellement à l’étude comme l’utilisation de caméras-piétons, la Fédération nationale qui les représente milite ardemment pour que la création d’un numéro d’urgence unique (le 112) soit plutôt privilégié. Regroupant les forces de l’ordre et les pompiers, il permettrait aux premiers de filtrer les appels, de mieux les catégoriser et les adresser, et d’ainsi prévenir en amont d’éventuels dérapages dévastateurs.

« Face aux violences individuelles et urbaines, il est peu probable que des voyous soient impressionnés par un policier ou une caméra, temporise Yohan Martin. Ce sont les écueils sociaux qui provoquent des agressions ou des troubles. Il faut prendre le problème dans tous les sens, le regarder depuis toutes ses faces, plutôt que sanctionner systématiquement. Ce n’est pas la sanction qui va faire évoluer la société, mais la prévention, en évitant que les dommages ne se produisent ».

Quand décideur et payeurs ne s’accordent pas

Pour Eric Dupuis, vice-président d’Avenir Secours CFE-CGC du Sdis 91, le plus gros blocage tient actuellement à l’absence de coordination et d’accords entre décideur (le ministère de l’Intérieur) et financeurs des pompiers (les communes, les territoires). « Ils se renvoient la balle en permanence sur leurs responsabilités et nous font complètement tourner en rond en souhaitant nous calquer sur de la fonction publique nationale alors que nous sommes sur de la territoriale ».

Le commandant Patrick Rauscher rajoute : « Les collectivités locales, nos payeurs, doivent bénéficier de plus de marges de manœuvre. Cela pourrait être effectué aisément en supprimant la sur-cotisation retraite plombante versée par les départements et les communes, et surtout supportée par 40 000 pompiers professionnels et leurs employeurs ». Un dispositif créé en 1991 pour une durée de 13 ans initialement, mais qui n’a jamais été supprimé ou révisé.

« Là nous sommes carrément confrontés à une grosse injustice », reprend le président de l’UDSP 91. Pour lui, de multiples autres pistes financières plus égalitaires pourraient être explorées afin de dégager des revenus et les diriger à meilleur escient. « Avec un prix du carburant et des déplacements en hausse, nous pourrions par exemple songer à récupérer la TVA sur l’essence dépensée lors de nos interventions. Ces fonds pourraient ensuite être alloués à d’autres besoins prioritaires pour nous », conclut-il.