courrier pour les élus relatif au Volontariat

Madame, Monsieur le député,


Tout comme mes collègues des autres départements de France, j’ai été informé le 06 septembre dernier par notre Président de la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers que le rapport rédigé sur « la mission volontariat » pourrait ne servir à rien ;
Bien qu’il puisse sembler de la part du Gouvernement de reprendre nombre des 43 propositions dudit rapport remis au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, le 23 mai dernier à la demande du président de la République, nous serons très attentifs au plan d’action que doit annoncer le représentant de l’Etat au prochain congrès national des Sapeurs-Pompiers de France qui se déroulera le 29 septembre à Bourg-en-Bresse.


Il manque en effet à ce jour une réaffirmation essentielle, celle d’un volontariat appuyé par un engagement altruiste fort. Malheureusement nous avons appris que le ministère de l’Intérieur envisage de transposer la directive 2003/88 : CE sur le temps de travail (dite DETT), et se montre réticent à prendre une initiative auprès des institutions européennes en vue d’exempter les sapeurs-pompiers volontaires de son application.
Pour la mission Volontariat, cette réaffirmation d’un engagement altruiste et généreux est un choix préalable : à quoi bon prendre des mesures pour favoriser l’engagement citoyen si le sapeur-pompier volontaire devient un travailleur professionnel à temps partiel ? Le rapport de la mission Volontariat montre pourtant l’impact préjudiciable qu’aurait une telle évolution statutaire, qu’il soit d’ordre financier, opérationnel au quotidien, mais aussi en cas de situation de crise majeure où nous aurions un anéantissement total des moyens humains mobilisables.


Le Président de l’Union Départementale des Sapeurs-Pompiers de l’Essonne
L’efficacité de notre modèle de secours serait donc profondément réduite. Tous les pays (anglo-saxons, scandinaves) qui ont créé un statut de sapeur-pompier à temps partiel ont vu leur ressource volontaire diminuer suite à un effet d’éviction. Le choix du volontariat comme engagement altruiste est donc une priorité. Il conditionne l’ensemble des propositions du rapport et a pour corollaire indispensable une initiative auprès de l’Union européenne pour exempter le volontariat de sapeur-pompier de l’application de la DETT.
L’arrêt (Matzak) rendu le 21 février dernier par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) statuant sur un contentieux opposant un sapeur-pompier volontaire belge à la commune de Nivelles à propos de la rémunération de son service d’astreinte est à l’origine d’un grand nombre de questions. Cet arrêt assimile :

  • les sapeurs-pompiers volontaires comme « travailleurs » au sens de la DETT ;
  • les périodes de garde sont toujours considérées comme du temps de travail ;
  • les périodes d’astreinte peuvent être exclues du temps de travail dès lors qu’elles ne sont pas excessives et ne peuvent pas être assimilées à celles découlant d’un travail (subordination, rémunération).
    Aucune procédure de mise en demeure n’a pourtant été envisagée à ce jour contre la France pour non-conformité avec la DETT.
    A l’approche de notre congrès national (Bourg-en-Bresse, 26-29 septembre), les sapeurs-pompiers de France s’inquiètent de la position du ministère de l’Intérieur sur cette question essentielle pour la pérennité de notre système de secours. Dans aucune de ses expressions publiques, le ministre de l’intérieur n’a annoncé une initiative visant à préserver les sapeurs-pompiers volontaires de la DETT.
    Devant la difficulté et le caractère aléatoire d’une révision de ce texte, le ministère de l’intérieur envisage même la transposition en droit français de la DETT. Or une telle transposition conduirait à :
  • plafonner de manière cumulée le travail du salarié et son activité de sapeur-pompier volontaire à 48 heures par semaine ;
  • faire émerger pour les sapeurs-pompiers volontaires un repos de sécurité quotidien entre le travail et l’activité de sapeur-pompier volontaire. Les quelques dérogations permises par la DETT seraient loin de compenser les forts effets induits en termes de réduction de la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires.
    Notre pays n’aurait pas les moyens financiers (2,5 milliards d’euros) nécessaires pour recruter des sapeurs-pompiers professionnels ou militaires pour faire face à la situation et le niveau de sécurité de nos concitoyens serait largement diminué.
    La Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France appelle donc le Gouvernement à respecter l’engagement pris par le président de la République le 6 octobre 2017, dans son discours aux forces mobilisées sur les feux de forêts et les ouragans : « je défendrai farouchement le modèle reposant sur le volontariat des sapeurs-pompiers qui n’est ni du salariat, ni du bénévolat ».

  • Dans un autre discours, à savoir celui adressé aux forces de sécurité intérieure prononcé le 18 octobre 2017 à l’Elysée, le chef de l’Etat a exprimé sa détermination à faire en sorte que la gendarmerie et les armées ne soient pas concernées par la DETT. Le but étant de permettre à l’Etat d’assurer pleinement sa mission première de protection de nos concitoyens et garantir la sécurité du territoire dans un contexte accru de menaces protéiformes et de plus en plus endogènes. Sachez qu’en 2016, les Forces armées Françaises d’active comptaient 205 121 militaires pendant que l’ensemble des Sapeurs-Pompiers de France comptait plus de 240 000 personnels dont près de 200 000 volontaires.

  • Une même attitude de fermeté doit donc être observée dans le domaine régalien de la sécurité civile, en faveur des sapeurs-pompiers et de l’ensemble des acteurs volontaires et bénévoles concourant à cette politique publique. Une assimilation des sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs ne manquerait pas de s’étendre rapidement aux réservistes opérationnels de la police et de la gendarmerie, remettant en cause leur cadre d’engagement.
    Pour les Sapeurs-Pompiers de France, la seule démarche pertinente est une initiative politique de la France en faveur d’une directive spécifique à l’ensemble des forces de sécurité nationale dérogeant à la DETT, à l’échéance de 2019, début de la prochaine mandature de la Commission et du Parlement européens. Cette voie est en outre la seule permettant de prémunir les peuples face aux défis du terrorisme et des catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique, objectif qui fonde le renforcement engagé du mécanisme européen de protection civile, dans le cadre d’une Europe qui protège et qui a la volonté demain de protéger encore plus.
    Les contacts noués par notre Fédération Nationale avec plusieurs de nos homologues européennes dont les modèles de secours reposent sur le volontariat (fédération allemande, autrichienne, belge, luxembourgeoise, néerlandaise) révèlent une prise de conscience et une inquiétude partagées de l’importance de la menace, l’urgence d’une réaction et d’une initiative appropriées au niveau de l’Union européenne, ainsi que la possibilité d’une majorité en ce sens.
    En l’absence de ce choix clair en faveur du modèle altruiste et de cette initiative politique auprès de l’Union européenne, les propositions du rapport de la mission Volontariat seraient caduques. Sachez que la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France a alerté les cabinets du ministre de l’intérieur, du Premier ministre et du Président de la République sur cette question.

  • En conclusion, face à une directive qui a pour but de protéger le travailleur, nous demandons un texte qui protège bien sûr l’engagement des acteurs, mais surtout qui maintienne la protection des citoyens !

  • Restant naturellement à votre disposition pour échanger sur le sujet si vous le souhaitez, je vous remercie par avance du soutien que vous pourrez apporter à notre requête et vous prie d’agréer, Madame, Monsieur le député, l’assurance de ma considération la plus distinguée.
    Patrick RAUSCHER
    Président de l’UDSP91